samedi 2 juillet 2011

La "démocratie" populaire chinoise... une dictature atypique !

D'entrée de jeu, mettons les points sur les "i' : en tant que démocrates nous pensons que l'autoritarisme du Parti "Communiste" Chinois est effrayant et que la politique de colonisation du Xinjiang et du Tibet est terrible et condamnable également. Cela étant dit, il nous faut nous pencher sur la nature du pouvoir politique chinois parce que se contenter de le qualifier de dictature ne nous aide pas à mieux comprendre  la Chine. Concernant le Tibet et le Xinjiang, ce ne sont pas les Européens, champions incontestés de la colonisation et de son cortège d'exactions qui pourraient faire la leçon à la Chine. Enfin, rappelons que la singularité des territoires coloniaux chinois est le fait qu'ils sont (comme ceux de la Russie) contigus du territoire national, ce qui complique une éventuelle prise de conscience chinoise.

Si la dictature actuelle du Parti "Communiste" Chinois est condamnable, non seulement elle est en constante évolution, mais en plus, la volonté de créer une nouvelle manière de gérer un pays a quelque chose d'intéressant et pourrait inspirer les Occidentaux confrontés aux impasses de leur démocratie (les exemples de démocraties qui n'arrivent plus à fonctionner sont malheureusement légion en ce moment : Belgique, France, Pays-Bas, Italie, Grèce, Etat-Unis, Union Européenne, etc.).

Une politologue chinoise, Fang Ning (voir Que pense la Chine ?) compare la démocratie occidentale à un restaurant avec un menu fixe où les clients peuvent désigner le chef mais n'ont pas leur mot à dire au sujet des plats qu'ils vont manger. En revanche, elle dit que la "démocratie" chinoise ne change jamais de chef cuistot (c'est toujours le Parti "Communiste" Chinois) mais les plats (autrement dit les mesures et les politiques) qui sont servis peuvent être choisis "à la carte". Cette métaphore est très intéressante parce qu'elle décrit une certaine vision chinoise de la démocratie en Occident. Elle est également intéressante parce qu'aujourd'hui elle décrit exactement l'état de la démocratie en Europe. Par contre, en ce qui concerne la "démocratie chinoise" dans cette métaphore, il s'agit là plus d'un voeu, d'un rêve et d'un objectif à atteindre plutôt que la réalité. Ainsi, en Chine actuellement, différentes expériences sont menées pour démocratiser non pas les structures du pouvoir, mais les prises de décision. Il y a donc de nombreux projets de "démocratie incrémentielle", de "démocratie délibérative" et de "sondages consultatifs" qui sont expérimentés. Pour nous, Belges, c'est intéressant parce qu'en Belgique maintenant, après un an de vaines négociations pour la formation d'un gouvernement et une réforme de l'Etat, on parle de "démocratie délibérative" avec l'organisation d'un G1000 pour la fin de l'été (1000 Belges représentatifs de la population discuteront des problèmes et voteront des propositions à soumettre aux élus).

En fait, le Parti "Communiste" Chinois ne veut pas de démocratie populiste à l'occidentale. Le Parti aimerait une démocratie qui fasse la distinction entre la gestion des affaires publiques et les politiques à mettre en oeuvre. Il devrait y avoir en quelque sorte des hommes politiques qui seraient des fonctionnaires sélectionnés pour leur capacité en gestion et chargés d'appliquer des politiques et des programmes décidés par le peuple. Pourquoi pas ? Il y a de l'idée, non ? De toute façon, on ne peut pas en vouloir aux responsables chinois de ne pas vouloir de notre démocratie. On voit bien qu'avec notre système politique (non reformé), ce ne sont pas les meilleurs programmes qui sont choisis mais bien les hommes politiques qui communiquent le mieux. Les qualités pour gagner le pouvoir ne sont pas les mêmes que celles pour l'exercer. Pourtant chez nous, les hommes politiques qui devront exercer le pouvoir ne sont choisis que sur leurs qualités à le gagner... et nous voici à l'ère de la démocratie du "bling bling". Aujourd'hui, en Europe, peu importe le programme politique puisque de toutes manières, nos hommes politiques de gauche comme de droite se sentent contraint d'imposer aux populations le programme économique et politique du monde de la finance.

Sachez également que la Chine est le seul Etat à parti unique qui permette aux citoyens d'assigner l'Etat en justice, que le nombre d'actions intentées est en constante augmentation et que le nombre de victoires également. Chose intéressante également, le gouvernement chinois est lui-même son plus sévère détracteur et commande études sur études analysant ses propres faiblesses et manquements.

Quoiqu'il en soit, pour les néo-libéraux, l'exemple chinois est terrible parce qu'il semble montrer qu'il n'y a pas de lien entre croissance économique et démocratie, et que le libéralisme économique ne va pas de pair avec le libéralisme politique. La Chine remettrait donc en question la croyance selon laquelle le libéralisme économique apporte la démocratie. Nous ne partageons pas l'étonnement des néo-libéraux. Contrairement à ce que les néo-libéraux prétendent, un peu partout dans le monde, les 30 dernières années nous prouvent justement que l'économie néo-libérale ne va pas de pair avec la démocratie. Les investisseurs aiment la stabilité politique, peu importe le régime. Souvent la démocratie leur fait même peur (quid de la démocratie grecque aujourd'hui par exemple ?). De plus, les politiques dites d'ajustements structurels (PAS) font sortir l'économie du champ démocratique laissant la politique impuissante face à l'économie qui grignote toujours plus les champs de la vie sociale et privée. Nous pensons donc que le système chinois ne dément rien, au contraire il est éclairant. Il démontre que la dictature néo-libérale de "consommation" est l'aboutissement de la logique du libéralisme économique (dérégulation et laisser-faire) appliquée sans modération, ni contre-pouvoir. La Chine actuelle, c'est le rêve de tous nos conservateurs et néo-libéraux. C'est également ce vers quoi se dirige l'Europe... l'actualité l'illustre quotidiennement (cette "après-démocratie" dont parlent les philosophes et qui se met doucement en place). En réalité, la démocratie occidentale, actuellement vidée de son essence, et la dictature chinoise actuelle sont sans doute deux formes de structures politiques au service du même intégrisme de marché...

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