Nous l'avons déjà dit, le Cambodge a été profondément marqué par le régime des Khmers rouges. Aujourd'hui, après une décennie de stabilité politique (pas très démocratique), de reprise économique et de modernisation, les stigmates des guerres et du régime de Pol Pot sont de moins en moins visibles. Cependant, la folie des Khmers rouges fut telle qu'elle laisse encore des traces dans la société cambodgienne. Ainsi, au-delà des drames familiaux encore bien présents dans les mémoires, il est courant de rencontrer des individus mutilés : les mines posées par les Khmers rouges blessent toujours. Aussi, on croise très peu de personnes âgées au Cambodge. En 2010, on ne comptait que 3,8 % de plus de 65 ans.
Pour vous informer à propos de la vie au Cambodge sous les Khmers rouges, nous vous recommandons vivement deux récits : "Cambodge, année zéro", écrit pas François Ponchaud, missionnaire français au Cambodge en 1975, et "Tu vivras mon fils", écrit par Pin Yathay, un cambodgien et père de famille d'une trentaine d'années à l'époque, qui vivra deux ans l'enfer Khmer rouge, qui perdra les 17 membres de sa famille et qui s'enfuira finalement en Thaïlande au prix d'une échappée surhumaine.
Le 17 avril 1975, les Khmers rouges prennent donc Phnom Penh, la capitale du Cambodge. C'est la fin d'une longue guerre civile et de la République khmère, régime pro-américain et gangréné par la corruption. Le jour de la prise de Phnom Penh, les Khmers rouges sont accueillis par une foule en liesse. La population est heureuse de savoir la guerre terminée et espère alors que le nouveau régime sera meilleur que le précédent. Cela ne durera pas plus d'une journée. Dès le lendemain, les Khmers rouges, dont on ne connaît alors pas grand chose, établissent une dictature sous laquelle tous les aspects de la vie sociale et privée sont soumis au contrôle de l'Angkar, c'est-à-dire l"organisation" révolutionnaire qui dirige le Kampuchéa démocratique.
L'idéologie qui inspire les dirigeants Khmers rouges est une sorte de marxisme-léninisme et de maoïsme. Pro-chinois, la révolution culturelle de Mao les inspire mais les Khmers rouges veulent être plus radicaux et plus rapides encore. Ils veulent être les meilleurs "communistes" du monde, et pour eux, la fin justifiera les moyens. Notons que Pol Pot, le premier ministre du Kampuchéa démocratique, est également un admirateur d'Hitler.
Dès les premiers jours, les Khmers rouges vident toutes les villes et gros villages du pays. Phnom Penh aussi est vidée de ses 2 millions d'habitants. Les citadins sont envoyés en famille à la campagne et dans la forêt, sans rien, pour défricher et faire pousser le riz. Les anciens cadres, responsables politiques, militaires, fonctionnaires, professeurs et instituteurs sont systématiquement tués. Les moines bouddhistes doivent abandonner la robe ou sont exécutés. Tous les intellectuels, les polyglottes ou simplement ceux qui portent des lunettes sont exécutés ou parfois parqués dans des camps de rééducation. 70 % des intellectuels et des cadres cambodgiens seront ainsi éliminés.
Les Khmers rouges ferment le pays. Sur les routes de l'exode vers les campagnes, les nourrissons, les malades, les handicapés et les personnes âgées meurent par milliers. Dans les campagnes, les gens meurent de la faim, du paludisme, de dysenterie et d'autres maladies encore. Les exécutions se poursuivent durant les 4 années du régime Khmer rouge. Pour les dirigeants du Kampuchéa démocratique, seul 1 à 2 millions de jeunes sont nécessaires à la construction du Cambodge nouveau. À l'époque, le pays compte quelques 8 millions d'habitants. Le quart de la population du Cambodge va périr dans ce qu'il convient d'appeler un "auto-génocide". Le terme a été inventé pour décrire l'action meurtrière des Khmers rouges et beaucoup vont jusqu'à dire que, toute proportion gardée, le régime de Pol Pot était pire encore que celui d'Hitler. Ainsi, le Kampuchéa démocratique est sans doute le régime le plus radical qui n'ait jamais existé. C'est le régime de la paranoïa et de la folie, une folie meurtrière sans nom que rien ne peut justifier.
Mais comment comprendre une telle folie ? C'est difficile. Le contexte compliqué et explosif des guerres d'Indochine et de la guerre du Vietnam peuvent nous aider à comprendre comment des milliers de paysans et de jeunes ont rejoint les rangs des Khmers rouges. Dans cette tragédie aussi les responsabilités sont partagées et ni les Américains, ni le régime corrompu et violent qui a précédé celui des Khmers rouges ne peuvent être blanchis.
Quoiqu'il en soit, la visite du Tuol Sleng (photo), cet ancien lycée de Phnom Penh transformé en prison de tortures sous les Khmers rouges, et aujourd'hui musée du crime génocidaire, est édifiante. Que dire sinon que peu importe la fin, si elle ne se trouve dans les moyens !
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