vendredi 6 mai 2011

Inde : vous avez dit croissance économique ?

Tout le monde en Occident parle de l'Inde comme représentant un futur prometteur. L'Inde serait l'avenir ! Par les Occidentaux exportateurs du modèle et par les Indiens les mieux lotis, la "croissance économique" indienne est perçue comme un miracle créateur de développement, de bien-être et de richesses. Peut-être est-ce vrai en partie à court terme ?

Pourtant, l'Inde apparaît au visiteur comme étant un des meilleurs exemples illustrant le fait que la "dite" "croissance économique" coûte plus chère qu'elle ne rapporte (le PIB ne comptabilise que les gains). En effet, l'Inde se meure sous les coups d'une urbanisation anarchique, sous les coups de la surexploitation des terres et autres ressources naturelles, sous les coups de la dégradation systématique des richesses de première nécessité comme l'eau et comme l'air, sous les coups du béton qui coule partout, sous les coups de l'agriculture chimique et industrielle, de la pollution généralisée, de la misère et de la désintégration des liens sociaux.

Face à cela, notre pire ennemi est l'illusion d'exotisme. En effet, il serait naïf et surtout dangereux de ne pas comprendre que ce que nous voyons en Inde, n'est pas le spectacle d'une humanité différente, singulière et à mille lieux de la nôtre : ce que nous voyons à l'oeuvre en Inde est bien une des expressions les plus abouties aujourd'hui de l'utopie occidentale qui considère le monde comme une usine et l'homme comme un ouvrier-consommateur. Comme l'Europe et une grande partie du monde, l'Inde est bien dans l'impasse de l'industrialisme, du productivisme, du matérialisme et du consumérisme. Si le constat saute au yeux en Inde, c'est peut-être parce que le problème de surpopulation lui donne un aspect caricatural.

Pourtant la "croissance économique" a montré ses limites, en Occident et partout dans le monde. Elle est démentie constamment par la réalité et la rationalité puisqu'elle est malheureusement continuellement tenue en échec par ses limites humaines et environnementales et par ses propres contradictions économiques et politiques. Nous savons aujourd'hui que de cette utopie de la "croissance économique", socle des idéologies de droite comme de gauche, n'est pas viable et qu'elle porte mal son nom. Comment pourrait-il en être autrement puisque le bilan est négatif, que la facture s'allonge constamment, que cette prétendue croissance détruit toujours plus de richesses qu'elle n'en produit et qu'elle creuse toujours plus la dette de notre société envers les plus pauvres et notre environnement, base de toute prospérité. Economiquement parlant, pour tout qui maîtrise l'addition et la soustraction, la dite croissance économique est en réalité une implacable "décroissance". Il faudra payer la facture. Les plus pauvres et fragiles paient déjà ! Et si l'Occident s'abîme dans ce modèle économique, les pays du Sud s'y engouffrent avec précipitation. Ils en deviennent les champions et le futur, déjà présent, semble s'obscurcir au sens propre comme au sens figuré...

Enfin, ce qui est malheureux également, c'est que toute société et pays voulant se développer suivant le modèle de la dite "croissance économique" ne peuvent accroître leur bien-être qu'au détriment de celui des autres. L'Occident s'est "développé" en pillant et exploitant le monde. La prospérité de l'Occident est d'ailleurs toujours financée par les pays du Sud (fuite des capitaux, exploitation des ressources naturelles, délocalisation, dette, etc.). Rien d'étonnant donc, si aujourd'hui, l'Inde et la Chine se "développent" aux dépens de l'Afrique, des pays les plus pauvres d'Asie et des couches sociales les plus fragiles de tous les pays. Ainsi, tandis qu'en Inde les bidonvilles ne cessent de grossir, que les petits paysans se suicident par centaines en avalant pesticides et engrais et que la croissance économique du pays reste excellente, le gouvernement indien loue des terres cultivables pour une bouchée de pain à des pays aussi prospères que... l'Ethiopie. Le cycle infernal se poursuit !

La bonne nouvelle, c'est que comme chez nous, il existe en Inde une multitude de citoyens qui travaillent au changement sur le terrain. Seuls ou en association, ces citoyens engagés façonnent chaque jour à leur façon une société plus humaine et plus harmonieuse. Gandhi souhaitait déjà que chacun vive plus simplement pour que chacun puisse simplement vivre... Rajoutons qu'il est urgent d'apprendre à vivre simplement pour que tous nous puissions vivre bien, mais un "bien" qui serait donc qualitatif et pas quantitatif. Pourvu que partout dans le monde les porteurs de ce message soient entendus.

1 commentaire:

MaKs a dit…

...les porteurs de ce message tentent de se faire entendre, en effet ! Pour ne pas tomber en crise, ils évitent d'écouter les nouvelles à la radio (entre deux pub') : les présentateurs semblent payés pour placer le mot "croissance" au minimum une fois par JT, avec un grand sourire dans la voix.
Nous luttons pour notre "pouvoir d'achat" si important, nous évitons de payer des taxes tant que faire se peut, bref, nous sommes de parfaits petits consommateurs manipulés par la publicité et les politiciens aux mains des groupes financiers. Mais est-ce que nous méritons mieux ?